En ce (presque) début d’hiver la (feuille de) route, déjà « glissante »  est devenue carrément « verglacée » en zones rurales si j’en juge par ce que deux événements locaux de cette semaine m’ont appris, l’un en Lozère  lors de l’inauguration de la fibre dans uneentreprise qui la demandait depuis …toujours,  l’autre en Aveyron lors d’un colloque, organisépar le conseil général

Ces deux événements très instructifs ont montré tout à la fois le dynamisme de ces deux départements et les freins à ce dynamisme causés par le retard dans l’arrivée de la fibre optique ! Ce retard  a été ressenti tant chez les entreprises que chez les professionnels de deux domaines vitaux, la santé et l’éducation.

1-Produire des services sur nos territoires et ne pas se contenter d’en consommer !

Dans l’économie de la connaissance, on consomme et on fabrique des services. Ce qui nous vient le plus naturellement à l’esprit, c’est l’aspect « consommation ». On consomme  des services ( jeux, musique, vidéos, informations diverses ….) fabriqués à partir de la « matière première » qu’est l’information , carburant de cette nouvelle économie. On se pose rarement la question de savoir qui « fabrique » ces services ? Pour nous, zones rurales qui cherchons à compenser les emplois perdus dans le secteur agricole par de nouveaux emplois, ce devrait pourtant être la question centrale ! Nous le « disons » depuis plus de 10 ans. Déjà en 2001, lors d’une manifestation organisée à Marvejols par les Webs du Gévaudan  sur le thème « La Lozère a-t-elle quelque chose à « dire » sur l’internet »,la presse écrivait « pour ce qui nous concerne, nous lozériens, le choix est simple : nous contenterons nous de consommer des services « pensés » par d’autres ou serons nous capables de créer nos propres services ? Prendrons nous conscience à temps que si nous ne devenons pas rapidement émetteurs d’informations et donc de services nous allons être submergés par les informations des autres ? Ce n’est pas du chauvinisme mal placé mais une question vitale pour la Lozère dans cette nouvelle société de l’information dont nous ne sommes qu’aux prémices ! » Depuis, en 12 ans, la consommation a explosé mais quid de la production dans ces deux départements, Lozère et Aveyron ? Les « entrepreneurs » (au sens large  y compris des fonctionnaires innovants) ne manquent pas et piaffent d’impatience. Certains, comme Bien-manger.com finissent par être « récompensés » mais ils sont l’exception au regard de ceux qui attendent. J’ai découvert lors du colloque aveyronnais qu’il y avait en Aveyron 200 entreprises dans  les secteurs informatique et télécoms  Qui le savait jusqu’ici ?

2-Le dilemme des décideurs ruraux : satisfaire les besoins de court terme ou investir sur l’avenir ?

Les besoins de court terme :

 Si les professionnels, producteurs de services actuellement (entrepreneurs) ou « en devenir »( secteurs santé/éducation entre autres) ,  sont deplus en plus conscients de la nécessité de la fibre optique ce n’est pas encore le cas des particuliers qui, eux, se contentent le plus souvent de consommer des services accessibles en haut débit (Adsl. Satellite, Wimax…). Dans la ruralité profonde la demande des particuliers ne disposant pas de haut débit est donc simple : avoir enfin du haut débit….pour le très haut débit on verra plus tard !!

Investir sur l’avenir ?

Tout le monde en convient aujourd’hui : il faut  remplacer le réseau de cuivre par un réseau en fibreoptique / . Reste à dater l’extinction du cuivre comme on avait daté en son temps l’extinction de la télévision analogique. Mais, contrairement aux agglomérations où la fibre arrivera « toute seule » via les opérateurs, les zones rurales devront, elles, prendre en main leur destin numérique. Sont-elles armées pour cela tant sur le plan financier que sur celui de l’ingenerie humaine qui leur aurait permis de bien faire le tour de la question avant de prendre telle ou telle orientation ? Pour ne prendre que l’exemple de la santé, ont-elles vraiment anticipé les apports de la fibre optique pour la e-santé tant en termes d’attractivité pour les (indispensables) nouveaux médecins qu’en termes de qualité de soins (prolongement du maintien à domicile par exemple) ou, plus prosaïquement, en termes d’économie pour leur collectivité ? Les exemples pourraient être multiplies à l’infini et tous démontreraient que les réseaux, pour supporter l’explosion des usages, devront  être  des réseaux optiques ! Les futurs usages c’est un peu comme des « étages » d’un immeuble ! Imaginons qu’avant de construire l’immeuble l’architecte ne sache pas ( et ne saura jamais !) combien il aura d’étages ?  Cet architecte là ( en l’occurrence la puissance publique) va bien évidemment prévoir pour cet « immeuble numérique sans fin »des fondations solides, c’est-à-dire de la fibre optique partout. Une « prédiction » d’André Marcon lors d’une manifestation des Webs du Gévaudan à Marvejols en 2002, est restée à jamais « gravée » dans ma mémoire « notre principal risque aujourd’hui c’est de sous évaluer nos besoins de demain » .Ce qui s’est passé depuis 10 ans a démontré qu’il n’avait pas tort ! Il y a deux ans, presque jour pour jour(une éternité dans ce monde !)  nous pointions le risque d’explosion des réseaux. Sachons tirer les leçons de ces « avertissements » pour le « présent/avenir » !

Pour le citoyen un risque de confusion  évident !  Lorsqu’une collectivité , dans le cadre du plan national Très Haut Débit, axe ses priorités, ce qui peut se comprendre, sur la montée en débit vers le haut débit, le citoyen a du mal à faire ladifférence entre le haut débit (parfois qualifié, à mon avis à tort de « bon débit ») et le très haut débit. . Le plan de l’Aveyron, entre autres, illustre bien cette « difficulté » 

Ces « histoires » de débit méritent à mon avis à être clarifiées ! Le « bon débit » sera celui dont on disposera le jour où …on ne parlera plus de débit ! le jour où chaque citoyen disposera d’un compteur d « énergie numérique » ( alimenté par une prise optique). A l’instar de l’électricité aujourd’hui il s’abonnera en fonction de ses besoins ….et ces besoins, pour la majorité d’entre eux, seront des besoins d’instantanéité, de symétrie, de sécurité ( essentiel pour la santé entre autres)

3-Deux urgences pour les zones rurales !

1-« réorienter » la feuille de route (responsabilité nationale)

La « matière première » de l’économie de la connaissance , contrairement à toutes les autres économies, est potentiellement disponible partout, ce qui devrait donner des perspectives fabuleuses pour attirer en zones rurales des citadins en mal de campagne comme a su si bien le faire Bienmanger à La Canourgue où l’essentiel de l’équipe(moyenne d’âge de moins de 30 ans !) vient de l’extérieur du département  ! Nos campagnes peuvent devenir« intelligentes » si on leur en donne les moyens . Il y a deux ans  nous écrivions déjà « Les services « transactionnels » ( Santé, éducation, administration….tous services «publics de base) sont importants partout et vitaux en zones rurales…..ce qui laisse un vaste espace de créativité et d’initiatives aux habitants des zones rurales pour peu qu’elles soient équipées des infrastructures et des outils pour les développer. Dans le secteur santé par exemple, les ruraux peuvent inventer, avec la complicité et la participation de la population, particulièrement motivée par ce sujet, les nouveaux services de demain . Le très haut débit peut largement contribuer à une organisation en ligne du système de soins en établissant une continuité entre les services d’aide à domicile , les soignants (hospitaliers et libéraux) et les organismes de financement. » et nous concluions alors (il y a deux ans) « Si la France veut avoir une place productrice et pas seulement consommatrice  elle doit parier dès maintenant sur l’intelligence de tous ses habitants (ruraux et urbains)en leur permettant d’élaborer les outils nécessaires à la libération des talents et à la participation des citoyens. Dans la réindustrialisassion de la France l’industrialisassion numérique devrait être prioritaire ».

 Lors du colloque aveyronnais du 29 novembre 2013 j’ai été impressionné, entre autres, par la dynamique du secteur médical dans le département. Les professionnels aveyronnais ont manifestement compris que latélésanté était l’espoir du monde rural   et que la santé pouvait (devait !) être la « porte d’entrée » dutrès haut débit dans les zones rurales  . L’entreprise RM Ingenerie ( solutions de gestion pour les professionnels de santé) , très fortement demandeuse de fibre optique, est bien placée pour appuyer leurs  initiatives !

Devant ce S.E.E.S ruralité (Santé Education Economie Services )  le point d’étape de la feuille de route du très haut débit prévu en février 2014 doit être l’occasion de la réorienter pour les zones rurales. Le gouvernement n’a pas retenu la solution d’un opérateur national  Dont acte. Il est encore temps de prévoir, pour la feuille de route, un amendement « obligeant » les opérateurs à aller ensemble, sous une forme à définir , dans des zones hyper ruralesque les opérateurs nationaux ne prévoient de couvrir,( à échéance 2015/ 2020 !) qu’à 25% (cas de l’Aveyron ou moins (Lozère)

2- Prévoir des projets FTTH dans les SDAN (responsabilité locale)

La Lozère et l’Aveyron ont en commun, entre autres, l’autoroute A75. Dès 2008  nous avions tenté de recenser les atouts de cette autoroute physique et numérique , papierréactualisé en 2011 . Le temps est venu pour ces deux départements de conjuguer leurs efforts pour préparer un projet commun qui permettrait, entre autres, de profiter du coup de pouce supplémentaire ( +10/15%) donné aux projets pluri départementaux. Mais il faut faire vite car le nombre de projets présenté par les collectivités territoriales est en forte augmentation et, comme c’est le cas général, les premiers arrivés ont toutes les chances d’être les premiers servis !  

En conclusion, si le mouvement est engagé dans les territoires ruraux on doit se poser la question de savoir si c’est véritablement un mouvement vers les réseau du 21ème siècle ou simplement un mouvement  de « rattrapage » vers le haut débit ?

 La réponse est vitale pour les zones rurales ! 

Auxillac le 1er décembre 2013

Pierre Ygrié

Compte tenu de la géographie de notre région c'est dans ce secteur plein d'avenir que notre conseil régional devrait investir